Les technologies modernes permettent d’entendre des sons qui n’ont pas été produits depuis des milliers d’années. C’est ainsi que, grâce à Billy Ó Foghlú de l’Australian National University (College of Asia and the Pacific), on sait désormais comment sonnaient les cornes irlandaises de l’Âge de Bronze. Grâce à l’impression 3D, l’archéologue a découvert qu’un artefact que l’on croyait appartenir à une lance était en fait l’embouchure d’une corne. On a longtemps cru qu’il n’y avait pas eu d’instruments de musique en Irlande à cette époque, mais il semble que ce soit le résultat de mauvaises identifications (couplé au fait qu’à l’époque, on sacrifiait les armes et autres objets de valeur en les jetant dans les cours d’eau). En reproduisant l’artefact et en le mettant au bout d’une réplique de corne, il a obtenu un son bien plus intéressant que celui de la corne seule, plus riche, plus « velouté », et permis de constater que la culture musicale de l’époque était bien plus développée qu’on ne le croyait.
L’épitaphe de Seikilos est un fragment d’inscription épigraphique grecque, partiellement accompagné d’une notation musicale, trouvée sur une colonne de marbre placée sur la tombe qu’a faite ériger un certain Seikilos pour son épouse ou son père, près de Trales, en Asie Mineure.
La « Chanson de Seikilos« , datée du IIe ou du Ier siècle av. J.-C. est ainsi le plus ancien exemple découvert à ce jour sur terre d’une composition musicale complète avec sa notation. La mélodie, écrite en mode mixolydien et de genre diatonique, se déroule sur un intervalle d’une octave juste. On ne connaît pas le tempo de la chanson, puisqu’il n’est pas donné par la notation. En voici une interprétation par le San Antonio Vocal Arts Ensemble. C’est très beau, et donne une idée de ce que les grecs pouvaient écouter à l’époque.
The Flood est le premier disque de musique « récente » (i.e. non traduite de partition anciennes) chantée entièrement en sumérien et en babylonien. Il a été réalisé par le Lyre Ensemble, une collaboration entre la compositrice et chanteuse Stef Conner, le luthier et harpiste Andy Lowings, et le producteur Mark Harmer.
Stef Conner a combiné de la poésie babylonienne avec des compositions récentes, réalisées avec Andy Lowings. Ce dernier joue d’ailleurs sur une reproduction très fidèle de la Harpe d’or.
Des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley ont réussi à recréer les sons de l’ancienne Mésopotamie, après avoir décrypté et étudié des tablettes cunéiformes vieilles de 3400 ans. En voici un exemple:
Le corpus de tablettes a été découvert dans les années 1950 dans l’ancienne ville d’Ugarit (en Syrie). Avant cela, on ne savait à peu près rien de la musique sumero-babylonienne, sauf quelques instruments de musique connus d’après leurs représentations et certaines découvertes archéologiques.
L’une des tablettes contenait des morceaux de théorie musicale complexe, des notes, et un hymne cultuel.
Pendant un siècle, les paléontologues ont pris ces pierres polies pour des pilons, jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent qu’il s’agissait en fait d’instruments de musique au timbre de cloche, des lithophones. Pour fêter ça, ils ont organisé un concert au Muséum…
Un film réalisé par Cécile Dumas et produit par Look at Science.
Via François Soulabaille, que je remercie chaleureusement pour tout ce qu’il peut m’envoyer!
La viola organista est un instrument de musique expérimental inventé par Léonard de Vinci. C’est le premier instrument à cordes frottées et à clavier ; le seul exemplaire restant était celui du religieux espagnol Fray Raymundo Truchado (1625), conservé au Musée des instruments de musique de Bruxelles. JUsqu’à ce que Slawomir Zubrzycki, pianiste polonais et facteur d’instrument, en recrée un d’après les esquisses de Léonard de Vinci.
L’idée originale de Léonard de Vinci, telle qu’elle a été conservée dans son carnet d’annotations de 1488–1489 et dans ses dessins du Codex Atlanticus, utilise une ou plusieurs roues en rotation perpétuelle lesquelles entrainent, perpendiculairement aux cordes de l’instrument, un archet en boucle un peu à la manière d’une courroie de ventilateur d’automobile. Les cordes sont abaissées vers la boucle de l’archet par l’action des touches du clavier ce qui provoque la résonance de la corde à sa hauteur d’accordage. Dans certains modèles, les cordes sont divisées par des tangentes (comme dans les vielles à roue) de sorte qu’il y a plus de touches que de cordes car plusieurs notes peuvent être jouées sur la même corde. Dans les autres modèles, chaque note correspond à sa propre corde. Source.
Voici ce que cela donne, joué par Slawomir Zubrzycki lui-même.
La reconstitution moderne d’une viola organista par Akio Obuchi avait déjà été jouée en concert à Gênes, Italie en 2004. Sur les deux vidéos ci-dessous, on voit un peu mieux le mécanisme:
Pas de tambour sous la main mais le sens du rythme? Utilisons la rivière! C’est ce que font les femmes Baka.
La musique des Baka, tout comme des autres ethnies « pygmées », témoigne d’une particularité exemplaire. Reconnue comme d’une extrême complexité, ils explorent l’univers sonore et musical en contrepoint et en aggrégant leurs mélodies de yoddle (chantés par les femmes, les yellis), élément musical que l’on ne retrouve que dans peu de cultures dans ce monde.
« Foli » est un terme utilisé par la tribu des Malinke (Afrique de l’Ouest) pour désigner le rythme. Mais c’est bien plus, quelque chose qui se retrouve dans tous leurs gestes quotidiens. Ce film de Thomas Roebers montre les habitants de la petite ville de Baro (Guinée), et donne une idée de leur culture du rythme. Comme le répète plusieurs fois un homme « Toutes les choses, c’est du rythme ». Le film a également été monté pour refléter les rythmes Malinke. Fascinant.
En musique, un système pentatonique est une échelle musicale constituée de cinq hauteurs de son différentes. Au sens étymologique, pentatonique vient du grec penta qui signifie cinq.
Généralement, le mot est utilisé dans un sens plus restreint, pour désigner un certain type d’échelle ne comportant aucun intervalle de demi-ton. Les ethnomusicologues appellent ce système pentatonique anhémitonique, du grec (an-), aucun, et (hemi-), moitié, pour désigner le demi-ton.
Il s’agit par exemple des notes données par les touches noires du piano :
Le chant diphonique est un terme générique désignant toute technique vocale permettant à une personne de produire plusieurs notes simultanément et donc de faire du chant polyphonique (à plusieurs voix) au moyen d’un seul organe vocal combinant d’une part divers types de voix (de gorge, de tête, etc.) et d’autre part divers positionnements de la langue ou des lèvres.
En Asie, chez les Touvains, il existe quatre techniques principales avec bourdon du plus grave au plus aigu selon les styles kargyraa, borbannadyr, ezengileer et sygyt :
Dans le style kargyraa le fondamental a un timbre spécial (cor de chasse) avec une fréquence variant entre 55Hz (la 0) et 65Hz (do 1) ; les harmoniques se promènent entre H6, H7, H8, H9, H10 et H12. Chaque harmonique correspond à une voyelle déterminée.
Le fondamental dans le style borbannadyr (autour de 110Hz) reste fixe, et a un timbre plus doux que celui du kargyraa. Le chanteur peut produire deux formants harmoniques au-dessus du fondamental. La parenté technique entre kargyraa et borbannadyr permet au chanteur d’alterner les deux styles dans la même pièce musicale.
Le style sygyt possède un fondamental plus aigu (entre 165Hz-mi2 et 220 Hz-la 2) selon les chanteurs. La mélodie harmonique utilise les harmoniques H9, H10 et H12 (maximum jusqu’à 2640 Hz).
Le style ezengileer est une variante de sygyt, caractérisé par un rythme dynamique particulier, venant de l’appui périodique des pieds du cavalier sur les étriers.
Les types de chant diphonique des Touvains sont fondés sur les mêmes principes d’émission sonore que ceux de la guimbarde. La mélodie est créée par les harmoniques d’un fondamental, engendrés par le résonateur d’Helmholtz que constitue la cavité buccale humaine dont on modifie les dimensions. Pour la guimbarde, c’est la lame vibrante qui attaque le résonateur. Pour le chant diphonique, ce sont les cordes vocales qui seront ajustées sur des hauteurs différentes, ce qui crée plusieurs fondamentaux, donc plusieurs séries d’harmoniques.
D’autres techniques secondaires ou moins connues ont été « retrouvées », à savoir sigit moyen, kargiraa de steppe ou kargyraa de montagne, stil oidupa (inspiré du kargyraa et appelé d’après le nom du créateur, est considéré comme le premier style urbain). Voici ces sept techniques: